De l’urgence à l’excellence
En septembre 1942, sous l’impulsion de Hertz et Yvonne Jospa, une nouvelle organisation clandestine est fondée, le Comité de défense des Juifs (C.D.J.).
Grâce à son action, en s’appuyant sur un vaste réseau de sympathisants, de familles d’accueil, de fonctionnaires, il va sauver de la déportation des milliers d’enfants juifs.
De plus, le C.D.J. distribue des « allocations sociales » à plusieurs milliers de juifs cachés. Il fournit des faux papiers, édite un journal : « Unser Wort », etc.
En octobre 1944, alors que la Belgique n’est pas encore entièrement libérée de l’occupant allemand, le C.D.J. décide de se restructurer en a.s.b.l. : l’Aide aux Israélites Victimes de Guerre, l’A.I.V.G.
Les responsabilités assumées pendant la guerre par le C.D.J. vont pouvoir être poursuivies sous d’autres formes. L’A.I.V.G. peut profiter des ressources du C.D.J., ses structures, ses modes de financement et surtout de ces personnes, femmes et hommes, issus des équipes clandestines. Toutes ces ressources vont servir à mettre en place l’architecture de l’ensemble de ses services.
En 1945, plus de 250 personnes travaillent pour l’A.I.V.G., la plupart d’entre elles sont juives.
Le Joint (American Jewish Joint Distribution Committee, créé en 1914.) avait soutenu financièrement le C.D.J. Tout naturellement, il reporte cette aide à l’A.I.V.G. en qui il donne toute sa confiance.
La déléguée du Joint à Bruxelles participera même aux séances du conseil d’administration.
A la fin de la guerre, l’A.I.V.G., disposant des documents du C.D.J., prend connaissance de l’endroit où se trouvent les enfants cachés. Hélas, l’immense espoir de voir enfin réunis parents et enfants sera vite anéanti pour de nombreux enfants.
Et puis, il fallait aussi faire face à la misère et au dénuement de nombreuses familles.
Afin de leur éviter la conversion, il devient vite prioritaire de retirer les enfants placés dans des familles et des institutions catholiques (416 enfants au 1er novembre 1944).
L’A.I.V.G. procède aussi à un important travail de regroupement d’enfants juifs, orphelins ou pas, en « milieu juif ».
C’est à l’A.I.V.G. que il revient, assez rapidement, le rôle d’assumer l’éducation des orphelins et de les amener le mieux possible à l’âge adulte. Pour cela, elle va organiser toute une structure de homes pour ces enfants dont elle a la responsabilité. Ces homes, elle va les établir en ville comme à la campagne, certains à caractère plus religieux et d’autres moins, la plupart conservant une large autonomie de gestion.
Pour répondre aux besoins de soins médicaux de tous ces enfants et de tous ces rescapés des camps, l’A.I.V.G. met en place une nouvelle structure médicale.
Elle va aussi effectuer un immense travail de documentation et constituer ses propres fichiers. Elle dispose aussi des documents que lui transmet le C.D.J., et sera aussi la dépositaire du Registre des Juifs.
Grâce à cette abondante activité, en décembre 1945 la section documentation a déjà pu répondre à 10 000 demandes de recherches par écrit.
Il était vital que les rescapés se remettent au travail le plus vite possible, et ce n’était pas seulement qu’à des fins économiques, car il fallait avant tout vaincre le découragement et l’accablement de personnes qui avaient tout perdu, leurs proches, leurs biens, leurs outils. Il fallait les aider à sortir le plus rapidement possible de la condition d’assistés.
L’A.I.V.G. va permettre à de nombreux juifs de trouver du travail malgré les difficultés.
Et, consciente du caractère indispensable de la formation professionnelle, elle travaille en étroite relation avec l’ORT (Organisation for Rehabilitation through Training ). Elle y envoie plusieurs de ses assistés suivre des cours professionnels.
Le service juridique de l’A.I.V.G., quant à lui, acquiert une position incontournable dans les multiples domaines qui touchent à la condition des juifs en Belgique dans cet immédiat après-guerre : tutelle des enfants, dommages de guerre, permis de travail, inscription aux registres du commerce, autorisations de séjour, octroi de la nationalité, etc.
Et lorsqu’en 1952 le gouvernement allemand s’engage à verser une somme d’argent destinée à venir en aide aux victimes du nazisme, cet argent transitant par la « Claims Conference, (Conference on Jewish Material Claims Against Germany) », c’est tout naturellement que l’A.I.V.G. fera partie du comité consultatif.
L’A.I.V.G, qui détient le Registre des Juifs, devient la seule organisation compétente pour délivrer les attestations permettant l’obtention des réparations allemandes.
Au fil du temps les activités sociales de l’A.I.V.G. ayant largement dépassé celles que son titre indiquait, il devenait nécessaire de lui donner une dénomination plus en phase à la réalité de son activité.
Et, en mars 1961, l’A.I.V.G. devient le Service social juif (S.S.J.). Le Service social juif maintient une ouverture vers les non-juifs. Le « service » lui reste juif.
En octobre 1963, le Service social juif décide d’investir dans des activités socioculturelles pour personnes âgées. C’est ainsi qu’est créé le Club Amitié. Son succès est immédiat. Dès la fin de 1963, il compte plus de 50 membres. La gestion du club, son administration et l’organisation de ses activités sont assurées par les membres, sous la conduite d’une assistante sociale.
En 1963 le S.S.J. acquiert un terrain et deux maisons avenue Ducpétiaux en vue de construire les nouveaux bâtiments du Service social. L’architecte Isia Isgour se verra confier le projet. Et, en 1966, les bureaux du S.S.J., son centre médico-psychologique et le Club Amitié intégreront les nouveaux bâtiments.
Les bouleversements géopolitiques des années soixante, amènent en Belgique un grand nombre de réfugiés juifs en provenance du Maroc, d’Égypte, de Pologne, de Tchécoslovaquie, etc. qui seront pris en charge par le S.S.J.
A partir des années septante le S.S.J. jouit d’une réputation plus que favorable auprès des organismes officiels avec lesquels il est en contact, son professionnalisme n’étant plus à démontrer, encore que méconnu du public.
En octobre 1970, le magazine de « la Centrale » motivait ainsi une certaine mécompréhension du public de l’excellence du S.S.J. : « Pratiquant le secret professionnel le plus strict, les services sociaux ne peuvent divulguer leurs interventions, ni même rectifier l’exposé incorrect de certains faits ».
C’est donc, surtout dans son écosystème professionnel que le travail du S.S.J. sert de référence. Il est considéré, sous de nombreux aspects, comme un service « pilote. »
L’arrêté royal du 13 juin 1974 va permettre au S.S.J. d’être agréé comme Centre de service social spécifiant les missions de celui-ci : « Accorder, selon les méthodes du service social professionnel, aux personnes et aux familles qui en font la demande, une aide sociale et psychosociale destinée à surmonter ou à améliorer les situations critiques qui entravent leur épanouissement. »
En 1999 l’association comprend notamment un Centre d’Action sociale globale, tel que défini par le décret de l’assemblée de la Commission Communautaire Française du 6 novembre 1997 et un centre Médico-Psychologique.
Le Centre d’Action Sociale Globale (CASG) a pour mission de développer l’action sociale globale en assurant aux bénéficiaires, un premier accueil, une analyse de leur situation problématique, une orientation, un accompagnement et un suivi.
Quelques dates
3 septembre 1944 | Libération de Bruxelles |
11 octobre 1944 | Enregistrement des statuts de l’A.I.V.G. |
Avril 1945 | Reprise des Homes d’enfants de l’A.J.B. par l’A.IVG |
| Début du rapatriement des déportés et des rescapés |
| Le Ministère de l’Intérieur confie le Registre des Juifs à l’A.I.V.G. |
8 mai 1945 | Capitulation du IIIème Reich |
Mai 1945-1946 | Ouverture de plusieurs homes pour enfants |
1950 | Début de la fermeture progressive des homes |
5 juin 1955 | Inauguration du home de Rhode-Saint-Genèse, seul home d’enfant de l’A.I.V.G. restant |
1956 | Action vers les « mal logés » |
Février 1959 | Fermeture du home de Rhode-Saint-Genèse |
19 mars 1961 | L’A.I.V.G. devient le Service Social juif |
1962 | Création du Centre Médico-Psychologique (C.M.P.) |
1963 | Création du club Amitié |
Mai 1966 | Entrée dans les locaux de l’avenue Ducpétiaux |
juin 1974 | Agréation du service social du SSJ grâce à l’arrêté royal concernant les centres de service social, ce qui lui permettra de recevoir des subsides. |
Mars 1975 | C’est au tour du CMP du SSJ d’être agréé grâce à l’arrêté royal concernant les centres de santé mentale et donc lui aussi sera subsidié. |